lundi 23 juillet 2007

Seule en scène, une Libanaise raconte sa vie




Seule en scène, une Libanaise raconte sa vie

LE MONDE 20.07.07
Des affiches du "off", il y en a des milliers dans les rues d'Avignon. Pourquoi celle-ci arrête-t-elle le regard ? Elle n'a rien d'exceptionnel : un visage flou de femme sur fond noir, avec un titre un peu trop joli, en rouge : Le Jour où Nina Simone a cessé de chanter. Mais il y a le nom de Darina Al Joundi, une actrice libanaise qui a joué dans les films de Yousry Nasrallah (La Porte du soleil), Jean Chamoun (Derrière les lignes) ou Ghassan Salhab (Beyrouth fantôme).
, une des salles permanentes d'Avignon. Darina Al- Joundi oeuvre dans les murs nus de la chapelle Sainte-Claire. "Je ne vous attendais plus", dit-elle au public quand la lumière se fait. Et aussitôt on sent que cette femme est là parce qu'elle a vraiment quelque chose à dire. C'est sa vie qu'elle vient raconter. Une vie à la liberté démente : celle d'une enfant de la guerre, et d'une fille trop aimée d'un père.
Ce père a passé la moitié de sa vie en prison. Ecrivain et journaliste syrien installé au Liban, il est parti "faire la révolution" dans son pays quand la guerre du Liban a éclaté. Darina Al-Joundi était âgée de 7 ans. Elle vivra son adolescence sous les bombes, corps et tête en feu. Son père a pour elle les rêves les plus fous : en faire une femme sans tabou, sexuel ou religieux, dans un Orient où "les hommes passent leur vie à offrir sur un plateau leur cul au bon Dieu", et où les femmes sont obsédées par la virginité, "le seul capital dont peut disposer une fille arabe".
Heureusement que les murs de la chapelle Sainte-Claire sont désacralisés. Ils trembleraient sinon devant l'impiété impitoyable du récit de Darina Al-Joundi, projetée dans la vie et dans la guerre avec la même sauvagerie. "Je suis sûre que tous ceux qui ont vécu durant la guerre ne rêvent que de la guerre", dit-elle. Dans les deux sens du mot rêve : cauchemar mais surtout liberté, cette liberté insensée qui remet tout en jeu à chaque instant.
Puisque tout est possible, que vivre et mourir se valent, autant danser sous les bombes, bourré de drogue, ivre de sexe. Darina Al- Joundi ne connaît pas de limite. Même pas celle de la roulette russe, qui fait gicler de la boîte crânienne le cerveau d'un homme qu'elle aime. L'amour de son père est le tribut de sa propre guerre. Il a voulu sa fille libre, elle se retrouve prisonnière d'une liberté impossible, qu'elle paiera au prix fort.
BEAUTÉ BLESSÉE
Nous ne dirons pas quel fut ce prix, ni ce qu'il advint de Darina Al-Joundi et de son père. Ces choses-là ne se racontent pas. Elle s'entendent et s'incarnent dans la beauté ivre et blessée d'une femme en robe d'été rouge, comme le sang, et la première couleur que l'on ose, à la fin d'un deuil. Il a fallu du temps à Darina Al-Joundi pour en arriver là. Elle était âgée de vingt-cinq ans à la fin de la guerre, elle en a aujourd'hui trente-neuf.
Son récit a coulé d'elle comme un fleuve en crue. L'écrivain Mohamed Kacimi l'a aidée à contenir ses mots, rythmés par une chanson de Nina Simone, Sinnerman. Une chanson obsédante, comme le désir de vie d'une femme, Darina Al-Joundi.

1 commentaire:

ريتا خوري a dit…

merci pour l'information
elle est vraiment geniale Darina